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mercredi 30 avril 2008

Birmanie, « Le pays est en proie à une vague d’oppression continue et croissante »

Dénoncer la répression en cours et agir par un "boycott économique total"

Bruxelles, le 29 avril 2008
: Secrétaire général de la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB) et du Conseil national de l’union de Birmanie (NCUB), Maung Maung, dénonce la répression en cours et réitère son appel, soutenu par le mouvement syndical international, en faveur de sanctions économiques plus sévères contre le régime dictatorial birman :


Quelle est la situation actuelle dans votre pays, la Birmanie ?

« Le pays est en proie à une vague d’oppression continue et croissante. Initialement, seuls les moines et les monastères étaient visés. Mais elle s’est désormais étendue aux domiciles des militants. L’armée s’est emparée des enregistrements vidéo et des clichés (des manifestations d’octobre 2007) et s’en est servie pour identifier les manifestants à niveau local et même dans les zones rurales. C’est ainsi que le cercle de la répression s’est, peu à peu, étendu. »


Serait-il correct d’affirmer que le mouvement syndical international et la FTUB se trouvent aux devants de la lutte pour les droits humains et la démocratie en Birmanie ?

« Ce que nous avons fait au cours des 18 dernières années c’est de tenter de sensibiliser les gens. Ils ont le droit de s’exprimer et de tenir tête aux dirigeants en disant « ceci n’est pas juste ». Nous avons organisé des ateliers de travail, des programmes de formation dans la communauté, sur les lieux de travail, dans les usines, ainsi que sur différents chantiers. Pour vous donner un exemple, nous avons parlé de comment les travailleurs devraient être représentés par un syndicat organisé et, par-là, du fait qu’il est légitime de demander l’établissement de syndicats indépendants sur les lieux de travail. »

« Nous collaborons également avec l’OIT et la CSI à l’organisation de programmes de formation sur les droits des travailleurs, les responsabilités des membres syndicaux et comment la lutte pour les droits des travailleurs est, en même temps, une lutte pour les droits humains. »


La plupart de ces activités ont donc été menées dans la clandestinité, avec de gros risques pour les organisateurs ?

« En réalité, il y a deux phases. Premièrement, nous organisons des ateliers et de sessions de formation dans les pays limitrophes. Il s’agit d’ateliers de travail ouverts, sans publicité. Mais les participants proviennent de la Birmanie. Ils reçoivent une formation de base sur les droits syndicaux, les enjeux essentiels liés aux droits des travailleurs et les normes internationales du travail. »

« Ensuite, quand ces gens retournent chez eux, ils continuent le travail clandestinement en organisant des programmes et des formations en secret. »


C’est donc au péril de leur vie que vos éducateurs et militants mènent ces activités?

« Récemment, six de nos jeunes membres ont été arrêtés et condamnés à 28 ans de prison en Birmanie pour avoir tenté de participer à des discussions à l’American Center. Avant cela, 13 personnes avaient été écrouées parce qu’elles tentaient d’organiser un atelier de travail. En 96, nous avons été confrontés à une situation similaire lorsque le régime a arrêté deux de nos dirigeants, qui ont par la suite été condamnés à perpétuité. »

« Ils risquent leur vie, ils risquent leur vie jour après jour. Des gens ont été torturés. Ils subissent une pression intense. Le traitement subi par les syndicalistes est encore pire que celui réservé aux prisonniers politiques de la NLD (Ligue nationale pour la démocratie) ou aux étudiants. Ils sont séparés et traités très brutalement par le régime. »


Quelles sont les punitions et les tortures infligées aux syndicalistes ?

« Ils n’ont aucun droit à être représentés. Leurs familles font l’objet de menaces. Certains d’entre eux ont été enfermés dans des chenils. Ils ont été enfermés avec les chiens de garde de la prison. Ils avaient les poings liés derrière le dos et ne pouvaient donc pas se servir de leurs mains pour manger. Ils étaient obligés de manger comme les chiens. Voilà le genre de traitement que doivent subir nos membres. »


Ils sont donc traités comme des chiens, voire pire que des chiens ?

« Ils étaient obligés de s’asseoir comme des chiens. Lors de l’appel, ils n’avaient pas le droit de se tenir debout comme des êtres humains ; ils devaient rester assis comme des chiens et aboyer comme des chiens. C’est ça le genre de traitement réservé à nos membres. »


Pourquoi le mouvement syndical international et la FTUB demandent-ils un boycott économique total contre la Birmanie comme un moyen de renverser la junte ?

« Nous devons le faire. Les personnes opposées aux sanctions affirment que les gens vont mourir de faim, que les gens vont perdre leur emploi. C’est tout à fait vrai, certaines personnes vont perdre leur emploi. Mais les gens ne vont pas mourir de faim. »

« Pratiquement tout ce qui sort de la Birmanie et y entre doit transiter par une entité nommée Union of Myanmar Economic Holdings. Il s’agit d’une création de l’armée, qui appartient à l’armée et est gérée par l’armée à 100 pour-cent. Tout –que ce soit l’importation d’une aiguille ou d’un avion, absolument tout- doit passer par ce système. »

« Ainsi, l’exploitation des mines de jade, le commerce des pierres gemmes et même le tourisme sont sujets à l’obtention d’un permis de l’armée. C’est donc l’armée qui empoche les bénéfices qui en proviennent. C’est pourquoi nous soutenons que les sanctions sur les exportations et les importations ont un impact sur l’armée. Et c’est pour cette raison que nous demandons l’imposition de telles sanctions. »

« Ce que nous avons entendu dire les gens qui se trouvent à la base-même, les travailleurs d’usine, les ouvriers de la production, c’est : ‘Allez-y, fermez boutique une fois pour toutes. Il se peut que nous soyons tous affamés pour un mois. Mais il vaut mieux changer le système dès maintenant plutôt que continuer de souffrir de cette façon. »


Qu’en est-il des investisseurs et des entreprises étrangères qui commercent avec la Birmanie ?

« Ils affirment qu’ils assurent une source de revenus à la population. Pourtant, force est de constater que les employeurs trompent les travailleurs. Ils agissent de connivence avec le régime militaire. Ils ne paient pas un salaire adéquat aux travailleurs pour un horaire de travail normal. Les travailleurs sont contraints de faire des heures supplémentaires obligatoires pour gagner l’équivalent d’un salaire de base. »

« Les travailleurs sont lésés. Ils sont privés du droit à une représentation syndicale, quelle qu’elle soit. Le congé de maternité n’est pas respecté dans l’industrie du textile et de l’habillement. Le fait de prendre un congé de maternité entraîne le licenciement. Le fait de refuser de faire des heures supplémentaires à trois reprises entraîne le licenciement. Personne ne souhaite travailler dans de pareilles conditions. »


Quel est le salaire moyen d’un travailleur manuel, en dollars ?

« Moins de 30 cents par jour. On touche moins de 30 cents par jour. »


Faut-il en déduire que les investisseurs étrangers ne font que mentir et exploiter le peuple birman ?

« C’est exact. Ils exploitent le peuple, et des discussions comme celle-ci, j’en ai eu aux Pays-Bas, en Europe et dans d’autres parties du monde. Je leur ai demandé de m’expliquer pourquoi ils acceptent que de tels salaires soient pratiqués et ils n’ont jamais pu me répondre. »


Croyez-vous que votre campagne en faveur de sanctions économiques totales réussira ?

« Elle commence déjà à produire un impact. Le régime peine pour mettre la main sur des devises étrangères. Il a beaucoup de mal à trouver des dollars et des euros. En dépit de tous les investissements en provenance de la Chine, de l’Inde, du Japon et d’autres pays d’Asie, les marchés d’exportation se trouvent en Europe et en Amérique. Nous avons réussi à bloquer la plupart des importations aux Etats-Unis et planchons à présent sur l’Europe. Si nous réussissons à convaincre l’Europe et l’Australie, nous devrions commencer à voir des résultats très bientôt. »

« L’essentiel est que tout le monde veut voir une Birmanie stable, en particulier les pays limitrophes comme la Chine, l’Inde et la Thaïlande. Je suis convaincu que face à la vague de soutien émanant de la communauté internationale et vu la manière dont les choses évoluent en Birmanie, la Chine et l’Inde commencent à se rendre à l’évidence qu’ils ne pourront soutenir le régime à jamais. »


Selon vous, que peuvent faire les syndicalistes à titre individuel pour aider votre cause ?

« Tout d’abord, essayer de surveiller ce que leurs gouvernements sont en train de faire. Il faut surveiller quelles sont les entreprises étrangères qui font du commerce avec la Birmanie. Les syndicats devraient autant que possible surveiller si des marchandises fabriquées en Birmanie entrent dans leurs pays et, si c’est le cas, dénoncer de telles violations des sanctions. Les dockers pourraient, par exemple, refuser de s’occuper de navires transportant des marchandises de ou vers la Birmanie. Les employés des compagnies aériennes pourraient refuser de ravitailler les avions en provenance de la Birmanie. Les personnels des services financiers pourraient opérer une surveillance de toutes les transactions ayant un rapport avec le régime. Toute transaction ayant un quelconque rapport avec la Birmanie pourrait être balisée d’un drapeau rouge. »

Propos recueillis par David Browne (Parachute Pictures)

Source : Confédération Syndicale Internationale




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