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mercredi 10 septembre 2008

Le gouvernement français tend la main à la junte birmane


Communiqué de Presse d'Info-Birmanie




Le gouvernement français tend la main à la junte birmane, pourtant qualifiée il y a peu par Nicolas Sarkozy de régime «éminemment condamnable»

D’après les informations dont dispose Info Birmanie, la France s’apprêterait à proposer une révision à la baisse de l’actuelle position commune européenne sur la Birmanie. Les partenaires européens auraient été approchés afin de renoncer à certaines restrictions politiques, notamment les visites de ministres européens en Birmanie. D’après la France, l’interdiction de telles visites nuit à l’engagement politique avec la junte, que le gouvernement français juge aujourd’hui nécessaire de renforcer.

Cet allégement de la position commune européenne vis-à-vis de la Birmanie poserait pourtant de sérieux problèmes. En effet, la levée des restrictions européennes interviendrait à un moment relativement inopportun, tout juste un an après la terrible répression des manifestations de la révolution Safran. Ces derniers mois les abus des droits de l’homme n’ont cessé d’augmenter, et en parallèle, la junte militaire au pouvoir continue de défier les instances internationales que sont le Conseil de Sécurité de l’ONU, l’organisation asiatique de l’ASEAN, ainsi que l’Union européenne, en refusant tout compromis politique.

Depuis vingt ans, l’Europe a pourtant maintes fois tendu la main au régime, mais force est de constater qu’aucun progrès dans le domaine des droits de l’homme ou de la transition démocratique n’a été atteint. Plus de 2.000 prisonniers politiques continuent de croupir dans les geôles birmanes, et leur nombre a presque doublé depuis l’an passé. Encore cette semaine, plus de 35 manifestants de la Révolution Safran ont été punis de peines de prison à vie pour avoir exprimé un désir de changement politique.

L’opposition démocrate a été maintenue à l’écart de tout dialogue, et Aung San Suu Kyi est encore et toujours assignée à résidence, et ce depuis treize des dix-neuf dernières années. La nouvelle constitution imposée par la junte en mai dernier n’offre aucune perspective de démocratisation et sanctifie le règne militaire et l’impunité des crimes présents et passés de tous les officiers militaires. Est-ce l’ensemble de ces actes que l’Union européenne compte récompenser, en allégeant les sanctions qui visent jusqu’à présent les généraux au pouvoir ?

C’est peu dire que ce nouveau geste d’ouverture de l’Union européenne laissera un goût amer aux démocrates birmans, et offrira à la junte birmane ce dont elle rêve depuis 20 ans, lorsqu’elle s’est emparée illégalement du pouvoir : la reconnaissance et la légitimité internationales.

La France pense que d’avantage d’engagement politique produira des effets positifs sur la situation dans le pays. Pourtant, une analyse de ces vingt dernières années montre que l’ouverture politique, notamment préconisée par les voisins asiatiques, reste une théorie très éloignée de la réalité birmane.

Ainsi, c’est dans ce souci d’ouverture politique que la Birmanie avait été admise au sein de l’ASEM en 2004 : quels progrès ont été réalisés depuis ? Strictement aucun. Au contraire, les seules avancées de ces deux dernières décennies, comme la relaxe de certains prisonniers politiques ou un semblant de dialogue avec l’opposition, ont uniquement été constatées après des menaces de sanctions. Preuve est que la junte tend à ne réagir qu’aux rapports de force, et non à la politique de la main tendue.

Enfin, la proposition de la France de renforcer les liens entre les ministres européens et birmans pour consolider la coopération politique est une douce illusion. Le pouvoir n’est pas détenu par les ministres, mais par les dirigeants de la junte, auxquels les représentants européens n’auront jamais accès.

Rappelons quand même que Ibrahim Gambari, émissaire onusien ayant un mandat du Conseil de Sécurité, n’est pas parvenu à rencontrer le général Than Shwe, qui l’a ouvertement snobé durant ses trois dernières visites en 2008 !

Le changement de la politique européenne à l’égard de la Birmanie ne doit se faire qu’au prix de compromis politiques obtenus avant toute levée de restrictions. Si les généraux démontrent enfin une volonté de dialogue et d’ouverture, ils doivent la matérialiser en libérant les prisonniers politiques et en laissant à la leader de l’opposition Aung San Suu Kyi la possibilité de jouer un rôle dans le paysage politique futur.

Sans geste de la part de la junte, l’Europe devra prendre ses responsabilités, et imposer ses vues de façon ferme. Elle dispose pour cela de plusieurs dispositifs, tels que l’introduction de sanctions dans les domaines bancaires, financiers et de l’assurance, des mesures réclamées par l’opposition démocrate birmane depuis plusieurs années.

Info Birmanie demande aux ministres européens, qui se réuniront les 15 et 16 septembre prochain, de garder une ligne politique cohérente vis-à-vis de ce régime dictatorial infâme, et de tenir les engagements pris au lendemain de la Révolution Safran. Le peuple birman a suffisamment souffert ces dernières années, ne donnons pas raison à leurs bourreaux.


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