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mercredi 18 juin 2008

La Birmanie souffre d’une des pires crises de migrations forcées au monde



Ces articles sont extraits de la Revue des migrations forcées (n°30 juin 2008)

La Revue des migrations forcées est la version francophone de la revue "Forced Migration Review" éditée en anglais et traduite en français, espagnol et arabe par le Centre d'études sur les réfugiés à l'Université d'Oxford.

Ces articles qui posent le problème des personnes déplacées ont été rédigés début 2008. (donc avant le cyclone Nargis) Déjà la plus part des auteurs trouvaient que la Communauté internationale n'était pas assez présente;on peut très bien imaginer ce que ces mêmes auteurs diraient aujourd'hui... Pourtant le problème des personnes "déplacées" à cause de la junte reste entier et est vraiment préoccupant.


"Dans les zones de minorités ethniques où des conflits armés limités se poursuivent, en particulier le long de la frontière de l’est, les forces du gouvernement ont été responsables de grandes persécutions, d’exécutions sommaires, de conscription forcée d’enfants, de viols, de la démolition de lieux de culte et de travail forcé. (...) Et ces actes ne sont pas des évènements sporadiques ou isolés mais une pratique répandue.. et sont donc équivalents à des crimes contre l’humanité...

Dans peu pays au monde, les déplacements forcés à cette échelle ont entrainé une réaction si limitée de la part des états-membres et des agences des Nations-Unies.... De nombreux membres de la communauté internationale ne sont toujours pas conscients de l’échelle des atrocités. " (Kavita Shukla)


Introduction

Avec la « révolution safran » en septembre 2007, la Birmanie était subitement devenue le centre d’attention de la communauté internationale. Elle s’était brièvement retrouvée à la une, alors que le monde surveillait la réponse du régime et guettait tout signe potentiel de progrès vers la démocratie et le rétablissement des droits.

Toutefois, il y eut peu de développements sur chacun de ces fronts (et aucune résurgence
visible de la violence ou des protestations) et l’intérêt suscité est maintenant éteint. L’objectif de ce numéro de RMF (revue des migartions forcées) est de ranimer l’intérêt de la communauté internationale envers la crise des déplacements forcés que subit le peuple birman.

(remarques : La communauté internationale s'est de nouveau intéressée à la Birmanie suite au Cyclone Nargis, mais la Birmanie est déjà quasiment retombée dans l'oubli . Kathy)

Les manifestations de septembre, menées par les moines bouddhistes, ont pour origine la monté soudaine des prix du pétrole qui eut un impact important sur la population, déjà appauvrie. Au bout de quelques jours, le gouvernement a mis fin, avec violence, à ce qu’il avait
décrit comme une interruption de la stabilité.

Les gouvernements du monde entier ont condamné la répression menée par le régime, et le Secrétaire général de l’ONU a alors envoyé le Représentant spécial Ibrahim Gambari
pour négocier avec les dirigeants birmans. Toutefois, simultanément, la Chine et la Russie utilisèrent leur véto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer les discussions portant sur des sujets qu’elles considéraient internes à la Birmanie et qui ne posaient « aucune menace à la sécurité internationale » - et donc hors du mandat du Conseil de sécurité.


La plupart des reportages sur la Birmanie expliquent que le conflit a commencé en 1988, lorsque la junte birmane réprima des manifestations d’ampleur nationale. Mais peut-on
vraiment considérer cet événement comme le début ? Pourquoi ne pas prendre en compte le moment en 1962 où l’armée saisit le pouvoir? Ou encore avant, après l’indépendance de la couronne britannique en 1948, lorsque certaines minorités ethniques obtinrent l’autonomie tandis que le sort des autres qui fut ignoré prit les armes, comme on pouvait s’y attendre, pour combattre cette injustice ?

Affirmer que la crise n’a commencé qu’en 1988, c’est ignorer l’appel pour une autonomie (culturelle)

le Comité international de la croix rouge (CICR) a condamné publiquement les actions du gouvernement militaire birman, affirmant que celles-ci ont « contribué à créer un climat de peur permanent parmi la population et ont forcé des milliers de personnes à joindre les rangs des personnes déplacées de l’intérieur, ou à fuir à l’étranger »

A la seule frontière est du pays, près d’un demi-million de personnes ont été déplacées en interne ces dix dernières années. De plus, des millions de birmans ont fui vers les pays voisins.

En Thaïlande, on estime qu’il se trouve environ deux millions de birmans qui essayent de reconstruire leur vie. S’ils fuient des conflits armés ou des persécutions politiques, ils peuvent obtenir la protection et l’assistance dans les camps de réfugiés.
Ceux qui ont fui après novembre 2005 ne peuvent toutefois pas bénéficier de cette protection, à cause du moratoire sur l’enregistrement des réfugiés. Ils n’ont alors d’autre choix que de rester en dehors des camps, où ils sont considérés comme immigrants clandestins, et risquent d’être arrêtés et déportés. (...)

Le nombre exact de réfugiés birmans présents dans les autres pays voisins de la Birmanie reste inconnu; toutefois le Bangladesh, l’Inde, la Chine et la Malaisie ont tous reçu des flux importants de citoyens birmans.

Mais la Thaïlande reçoit le plus grand nombre de réfugiés de membres de l’ethnie Karen et elle est la base d’une opposition birmane véhémente. (...)

Il y a urgence pour qu’un débat ouvert ait lieu sur toutes les solutions durables et les améliorations immédiates à apporter aux camps « fermés », pour le bien des réfugiés birmans tout autant que pour les populations d’accueil.

Inge Brees


Les personnes déplacées

Plusieurs raisons poussent les Birmans à fuir de chez eux. Cependant, les causes principales de cettenfuite déterminent la « catégorie » à laquelle ils appartiennent

Il est possible d’identifier globalement trois types de migration forcée en Birmanie, selon les causes ayant provoqué le mouvement de la population :
Type 1 : Déplacement dû à des conflits armés

Type 2 : Occupation militaire - et déplacement dû au développement : cela est généralement causé par :
a) la confiscation des terres - suite à un conflit armé - par l’armée birmane ou d’autres groupes armés, y compris pour des raisons comme l’extractionn de ressources naturelles et la construction d’infrastructures, et
b) les taxes exorbitantes, le travail forcé et autres abus.

Type 3 : Déplacement dû à la fragilité des modes de subsistance

Ashley South et Andrew Bosson


Il faut un changement urgent

Les réfugiés qui ont fui la Birmanie peuvent témoigner de la brutalité du régime...
Nombre d’entre eux m’ont dit n’avoir plus aucun village vers lequel retourner car l’armée a tout brûlé chez eux..
Un homme père de trois enfants, a fui le pays parce que les militaires voulaient le forcer
à travailler gratuitement pour eux...Ces histoires de travail forcé, malheureusement, ne sont pas exceptionnelles...


La responsabilité de protéger de la communauté internationale

(Rappel: cet article a été écrit avant le cyclone Nargis il est pourtant plus que jamais d'actualité)


Confrontée aux sérieuses violations des droits humains par le gouvernement birman envers ses propres civils, il est impératif que la communauté internationale réagisse au problème de la Birmanie aux termes du Principe de la responsabilité de protéger (RP2).

La Birmanie souffre aujourd’hui d’une des pires crises de migrations forcées au monde. Plus de 50 ans de conflit et de violations des droits de la personne ont mené à des migrations forcées sur une vaste échelle : au moins un million de personnes déplacées de l’intérieur et plus d’un million de réfugiés vers les pays avoisinants incluant le Bangladesh, la Chine, l’Inde, la Malaisie et la Thaïlande.

Loin d’assister et de protéger les personnes qui ont dû fuir leurs foyers, le gouvernement birman est le principal perpétrateur des violations des droits de la personne dans le pays. La population ethnique minoritaire de la Birmanie, et en particulier au moins un demi-million
de personnes déplacées dans l’est du pays, demeure exceptionnellement vulnérable aux violations des lois humanitaires internationales et des droits de la personne.

Ces sérieuses violations n’attirent toujours que peu d’attention du monde extérieur, malgré une poussée de la communauté internationale pendant ces dernières années vers la "responsabilité collective de protéger" les civils.

Dans les zones de minorités ethniques où des conflits armés limités se poursuivent, en particulier le long de la frontière de l’est, les forces du gouvernement ont été responsables de grandes persécutions, d’exécutions sommaires, de conscription forcée d’enfants, de viols, de la démolition de lieux de culte et de travail forcé. (...) Et ces actes ne sont pas des évènements sporadiques ou isolés mais une pratique répandue.. et sont donc équivalents à des crimes contre l’humanité. (...) Dans peu pays au monde, les déplacements forcés à cette échelle ont élicité une réaction si limitée de la part des états-membres et des agences des Nations-Unies.... De nombreux membres de la communauté internationale ne sont toujours pas conscients de l’échelle des atrocités. (...)

Malgré la grande frustration de la communauté internationale envers le gouvernement birman, la Chine et l’Inde, voisins puissants et partenaires commerciaux de la Birmanie, soutiennent généralement le Conseil d’Etat pour la Paix et le Developpmenet. L’Association des Nations de l’Asie du Sud-est (ASEAN), un forum régional dont la Birmanie est membre, évite aussi à tenir le gouvernement responsable de ses transgressions et a tendance à donner beaucoup de soutien à la notion de non-interférence dans les affaires internes du pays.

La responsabilité de protéger

Depuis le génocide au Rwanda, la communauté internationale a pris un plus grand rôle de responsabilité dans certaines situations où les gouvernements souverains manquent à leur devoir d’assurer la sécurité et le bien-être de leurs populations. Pendant des dizaines
d’années, en respect de l’Article 2.7 de la Charte des Nations-Unies qui souligne le principe de non-intervention dans les questions relevantes de la juridiction domestique des pays, la communauté internationale n’a pas fait de commentaires sur les situations dans lesquelles les personnes souffraient de terribles violations des droits de l’homme dans un climat d’impunité
pour les perpétrateurs. Toutefois, ces dernières années, il s’est produit une évolution depuis le concept de souveraineté absolue vers la souveraineté responsable de la protection des civils et de la prévention des violations sérieuses et des atrocités en masse.

Selon le Principe R2P, les états souverains ont la responsabilité primaire pour la protection de leur propre population contre le génocide, les crimes de guerre, la purification ethnique et les crimes contre l’humanité; et ce n’est que lorsqu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas exercer
cette responsabilité que celle-ci passe à la communauté internationale.

L’action demandée par R2P est largement préventive et implique l’établissement des capacités de l’état, de porter remède aux injustices et d’assurer le respect des lois. Cependant, en cas d’échec de la prévention, R2P requiert toutes mesures qui soient nécessaires pour empêcher les atrocités de masse3, ce qui inclut des mesures économiques, politiques, diplomatiques, légales ou de sécurité ou, en dernier recours, des mesures militaires. (...)

si les membres du Conseil de sécurité persistent à ignorer l’obligation à la, communauté internationale d’assurer la protection des civils des crimes d’atrocités de masse en Birmanie, ils établiront un précédent déplorable pour une responsabilité à laquelle tous les gouvernements ont souscrit en principe

Kavita Shukla (Chercheur sur les Réfugiés et les personnes déplacées de l’intérieur en Birmanie.)


  • Vous pouvez obtenir la Revue des migrations forcées (format papier en écrivant ou la télécharger au format pdf) : Migrations forcées

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