Il y a ceux qui pensent que l'on doit forcer les portes et ceux qui pensent que l'on doit attendre que les portes s'ouvrent....
Olivier SC dans "bloguer ou ne pas bloguer" dans son billet un "pave d'ingerence", se demande pourquoi on intervient pas pour "Crime contre l'humanité". ça fait même plusieurs jours qu'il pose la question auquel personne ne répond..
Et j'ai envie de dire : Mais qu'est ce qu'on attend pour entrer avec ou sans l'accord de la junte !
" Après le passage du Cyclone Les destructions et l'incompétence de la junte militaire birmane en matière économique risquent de plonger durablement le pays dans la pénurie"
(Lire ci dessous : La crise alimentaire guette la Birmanie)
Ci après plusieurs points de vue:
Mise à jour au 18 mai :
- Un article du blog du monde diplomatique (l'auteur est contre une intervention humanitaire militaire) des arguments intéressants : Le « bling bling » humanitaire frappe (aussi) la Birmanie
Jamais en retard d’une opération médiatique, le ministre a sans doute, comme Bernard-Henri Lévy, cette « nostalgie du temps où la France inventait, et imposait au monde, le droit et le devoir d’ingérence » (bloc-notes du Point, n° 1861, 15 mai 2008). Heureux temps où M. Kouchner débarquait à Mogadiscio, en Somalie, sac de riz sur le dos, accompagné par les caméras de télévision, telle une star montant les marches du Festival de Cannes. C’était en décembre 1992. On connaît les conséquences dramatiques de ces opérations humanitaro-militaires à grand spectacle.
Il est vrai que le ministre connaît fort bien la Birmanie. Voici peu, il s’était transformé en enquêteur (rétribué) pour le groupe pétrolier Total, accusé d’accepter le « travail forcé » de prisonniers, voire d’enfants, pour la construction et le fonctionnement d’un gazoduc dont il assure l’exploitation. M. Kouchner n’a rien vu, sauf les bienfaits apportés par le pétrolier, largement détaillés dans son rapport, « Relation d’un voyage et de la découverte d’une industrie muette » (BK Conseil, 29 septembre 2003). Avec cette caution morale, Total a pu continuer ses affaires birmanes comme si de rien n’était.
LIRE LA SUITE >>>>>>>
Titre des articles de ce message du 17 mai
- La junte birmane accusée de crime contre l'humanité
- Birmanie : le devoir d’ingérence humanitaire
- Remarques perso. + "Une catastrophe naturelle n'est pas un génocide"
- Responsabilité contre souveraineté.
- Birmanie: l'obligation de porter secours
- Rappel : Droit d'ingérence en catastrophe
- les Occidentaux dénoncent le refus d'une aide humanitaire massive
- La crise alimentaire guette la Birmanie
- La junte birmane accusée de crime contre l'humanité
LA JUNTE birmane s'entête dans une attitude criminelle, même si, hier, elle aurait accepté la venue de 100 médecins de pays voisins, selon le commissaire européen Louis Michel, en visite en Birmanie. Il n'a pas pu se rendre dans le delta de l'Irrawaddy, dévasté par le cyclone. Et il n'a pas obtenu que les experts étrangers puissent venir en aide aux sinistrés. Le bilan officiel hier s'établissait à 77 738 morts et 55 917 disparus.
« Plus les pressions internationales augmentent, plus les contrôles sur les routes se multiplient », avait remarqué ces derniers jours un humanitaire occidental à Rangoun. Et pour s'assurer qu'aucun étranger n'emprunte la voie terrestre depuis la Thaïlande, la junte a déployé un bataillon supplémentaire sur la route reliant Myawaddy à Rangoun.
Pis, tout le monde guettait des signes d'affaiblissement, voire d'effondrement de la dictature après une gestion aussi calamiteuse de la catastrophe, mais « c'est l'euphorie à Naypyidaw », confie une source militaire. Le généralissime Than Shwe voit dans le cyclone Nargis « la preuve que ses astrologues ont rétabli son karma ». Ils lui avaient prédit des heures sombres s'il restait à Rangoun. Il a donc changé de capitale et Naypyidaw a été épargnée. Bref, au sein de cette junte profondément superstitieuse, Than Shwe est plus fort que jamais.
Aujourd'hui, non seulement les généraux abandonnent les victimes à leur sort, mais ils ont trouvé le moyen de conforter leur pouvoir. Avec le détournement d'une partie de l'aide humanitaire, ils peuvent remercier soldats et miliciens de l'association du développement et de la solidarité, pour services rendus lors de la répression brutale des manifestations menées par les bonzes en septembre dernier.
Deux semaines après le passage du cyclone Nargis, la situation se dégrade. Sous les pluies diluviennes, des grappes de villageois affamés errent sur la route du delta et tendent la main dès qu'ils aperçoivent un véhicule. Et les premiers cas de choléra se sont déclarés, selon l'Organisation mondiale de la santé. « Les soldats laissent la mer emporter les corps, c'est leur façon de minimiser le nombre de morts », raconte l'opposante birmane Aye Aye Ma.
« Nous voulons une invasion »
Les Nations unies redoutent une « deuxième catastrophe », non plus naturelle, mais humanitaire. Pour Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, « nous sommes en train de passer de non-assistance à personne en danger à crime contre l'humanité. C'est inacceptable. » Il a à nouveau plaidé pour que l'ONU reconnaisse dans cette situation « la responsabilité de protéger » de la communauté internationale.
Cette intervention humanitaire coercitive, l'opposition birmane en exil en Thaïlande l'appelle de ses vœux. « Nous voulons une invasion », réclame-t-elle après l'échec de la mission du commissaire européen. Devant le repli obstiné de Than Shwe, « on ne peut plus privilégier la diplomatie », estime Soe Aung, porte-parole d'une coalition de l'opposition. (figaro)
- Birmanie : le devoir d’ingérence humanitaire
LIRE CET ARTICLE très complet ( agoravox)>>>>>>
Remarques préalables à l'article suivant : Une catastrophe naturelle n'est peut-être pas un "génocide" mais l'attitude de la junte qui n'a pas averti la population de l'arrivée de ce cyclone et surtout son incapacité et son refus de secourir de manière efficace les rescapés est un véritable crime contre l'humanité, ou au moins une Non assistance à personnes (au pluriel) en danger.
Il ne fait aucun doute que par son attitude, la junte est responsable du nombre élevé de morts
- "Une catastrophe naturelle n'est pas un génocide"
Il estime que comparer une catastrophe naturelle à un génocide afin de faire appliquer la "responsabilité de protéger" de l'Onu serait dangereux car cela banaliserait le génocide.
Propos recueillis par Fabrice AUBERT - le 16/05/2008
LCI.fr : Qu'est-ce le concept de "responsabilité de protéger" ?
Olivier Corten : Il a en fait remplacé la notion de "droit d'ingérence" dont il avait été question en 2000 après la guerre au Kosovo. Mais la grande majorité des Etats membres de l'Onu ne voulaient pas instaurer ce "droit d'ingérence". Il fallait donc trouver une formule plus neutre. En 2005, l'Assemblée générale a ainsi adopté une résolution prévoyant la "responsabilité de protéger". Tous les pays appartenant à l'Onu -dont la Birmanie- y sont liés.
Que dit cette résolution ?
Tout d'abord, elle réaffirme que c'est en priorité à chaque Etat de protéger ses populations sur son territoire. Si ce n'est pas le cas, alors elle donne la possibilité à l'Onu d'intervenir dans quatre cas, en employant la force si besoin : génocide, nettoyage ethnique, crimes contre l'Humanité et crimes de guerre. C'est alors au Conseil de sécurité de décider ou non d'une telle intervention. Sa décision doit être prise à la majorité qualifiée (9 voix sur 15) et sans veto de l'un des cinq membres permanents. Dans ce cas, l'Etat concerné n'a rien à dire, puisqu'il a voté la résolution de 2005 qui enclenche le processus d'intervention.
Mais le concept ne s'applique pas en cas de catastrophes naturelles, comme le cyclone Nargis en Birmanie.
O.C. : Tout à fait.
Pourtant, Bernard Kouchner propose d'étendre la "responsabilité de protéger" aux catastrophes naturelles afin d'entrer en Birmanie.
O.C. : A titre personnel, je trouve assez curieux d'invoquer une telle intervention dans la situation et le cadre juridique actuels. Il ne permet en effet ni de forcer la main des Etats, ni d'y envoyer l'armée. Et il faudrait encore obtenir de toute façon l'aval préalable du Conseil de sécurité. Or il est fort probable que le rapport de force politique aboutirait à un vote négatif. En fait, le concept d'ingérence reste flou. Les déclarations de Bernard Kouchner pourront peut-être faire bouger les choses, mais pour l'instant, elles entretiennent surtout la confusion.
Pour justifier une intervention en Birmanie, certains font aussi remarquer que refuser l'aide internationale comme le fait la junte actuellement équivaut à un génocide.
O.C. : D'un point de vue juridique, cela ressemble plus à du bricolage qu'autre chose. Même en cas de génocide, le Conseil de sécurité doit en effet avaliser une intervention militaire. Mais c'est surtout dangereux d'un strict point de vue philosophique. En assimilant une catastrophe naturelle à un génocide, on banalise de fait le génocide, qui est une volonté de tuer et d'exterminer une ethnie ou une race. Or ce n'est pas du tout le cas avec le refus d'une aide internationale après une catastrophe.
Cette extension ouvrirait la porte aux dérives. Certains pourraient très bien considérer que le FMI est coupable de génocide en affirmant car sa politique est néfaste pour les pays en voie de développement et lui attribuer la responsabilité d'éventuelles famines. (LCI)
Remarques : Pour répondre à cet article sur le génocide, olivierSC de "bloguer ou ne pas bloguer" cite l'article du monde ci dessous, et il a bien raison...
Responsabilité contre souveraineté
A l'unanimité, le 8 décembre 1988, l'Assemblée générale des Nations unies a voté la résolution 43/131 sur le droit à l'assistance humanitaire des victimes de catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre. Ce fut à la demande de la France et sous l'impulsion de Bernard Kouchner.
En même temps, un affreux tremblement de terre ravagea l'Arménie alors membre de l'URSS : dès le lendemain, comme président de Médecins du monde, je fus le premier homme à passer sans visa les frontières de l'Union soviétique. Nous débarquions à vingt médecins et infirmières, pour beaucoup d'origine arménienne, nous apportions vingt tonnes de médicaments. Cela ne s'était jamais vu et c'était moral.
Vingt ans plus tard et malgré la Résolution du millenium de l'Assemblée générale des Nations unies sur la responsabilité de protéger, l'aide aux Birmans frappés par le cyclone fait polémique (Le Monde du 14 mai). Nul pays sauf la France ne songe à contraindre la dictature et à lui imposer l'accès aux victimes.
Les spécialistes de l'intervention en situation de catastrophe savent que la réponse d'urgence puis la reconstruction posent des problèmes majeurs à tous les pays, même aux plus développés : on l'a bien vu aux Etats-Unis, dans la Louisiane ravagée par le cyclone Katrina.
Dans ces situations-là, on ne sauve des vies en nombre que dans les premières quarante-huit heures : tout dépend de la vitesse, des qualités techniques, des moyens en personnel et en logistique fournis. Aujourd'hui, les pays et les ONG capables d'intervenir en Birmanie sont prêts. Que le gouvernement s'y oppose, il y aura non-assistance à personnes en danger. Il sera alors justifié de tout faire pour parvenir jusqu'aux victimes en danger de mort. Cette aide doit être rapide et efficace. Elle doit utiliser les compétences des pays proches.
Même la Chine en plein essor peine à venir en aide aux victimes du tremblement de terre. Il est de notre responsabilité de convaincre la Chine d'accepter l'aide d'experts. Mais il est déjà trop tard en Birmanie comme en Chine : des milliers de personnes sont mortes de l'incompétence et du refus de l'étranger.
C'est à l'ONU de se préparer pour les catastrophes naturelles à venir, puisqu'il n'en manquera jamais. C'est à elle de créer une force internationale d'intervention capable de se déployer vite et partout dans le monde. Dans les situations de catastrophe et d'urgence, le droit de l'homme à rester en vie prime sur la souveraineté des Etats. Sans la remettre en cause : elle doit être suspendue pour l'opération de sauvetage. (lemonde)
Et aussi :
- Birmanie: l'obligation de porter secours
On nous dit que la les populations, principe reconnu par l'ONU, ne concerne pas la situation en Birmanie. Pourquoi ?
Parce que l'ONU a décidé en 2005 que ce principe s'appliquait aux cas de , il ne s'appliquerait pas à d'autres situations aussi dramatiques. Cela voudrait dire que la junte birmane peut exercer sa souveraineté à l'abri de tout droit d'ingérence pour affamer sa population après un désastre naturel.
C'est ce qui ressort d'une réunion, la semaine dernière, du Conseil de sécurité de l'Onu, qui a rejeté une proposition de Bernard Kouchner.
On ne peut pas en rester là. La France et les autres démocraties doivent maintenir la pression sur les généraux birmans.
Comment maintenir la pression ?
En refusant les arguties juridiques. Et en poursuivant le débat à l'ONU qui va organiser un sommet d'urgence en Asie sur la Birmanie.
Les Asiatiques nous accusent parfois de vouloir leur imposer notre forme de démocratie. L'affaire du Tibet a suscité ce type de réactions. En Birmanie, ils ne peuvent pas nous reprocher de vouloir nourrir les affamés.
La glasnost chinoise après le séisme du Sichuan et le comportement à l'occidentale des autorités de Pékin montre que cela paye d'insister. ( blog lefigaro)
Pour Rappel
- Droit d'ingérence en catastrophe
La junte birmane continue de refuser l’entrée sur son sol aux humanitaires étrangers. Certains appellent à forcer le passage au nom du "droit d’ingérence"
LIRE ou relire cet article : ICI
Et de manière plus générale, pour mieux comprendre le Droit d'ingérence:
Devoir et droit d’ingérence, par Sandrine Perrot
Chercheure post-doctorale au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM)
- les Occidentaux dénoncent le refus d'une aide humanitaire massive
Les Occidentaux ont fustigé le refus de la Birmanie de laisser entrer une aide internationale massive pour les quelque deux millions de survivants du cyclone Nargis, au moment où la junte accueillait samedi une centaine seulement de personnels médicaux asiatiques.
Deux semaines après l'une des catastrophes naturelles les plus meurtrières de l'histoire récente --qui a fait près de 134.000 morts et disparus-- le Premier ministre britannique Gordon Brown a dénoncé samedi le traitement "inhumain" des Birmans sinistrés.
"C'est inhumain. Nous avons une situation intolérable créée par une catastrophe naturelle", a déclaré le chef du gouvernement de l'ex-puissance coloniale en Birmanie, dans une interview à la radio BBC.
"Cela se transforme en une catastrophe provoquée par l'Homme, par la négligence, le manque d'attention et le traitement inhumain du peuple birman par un régime qui n'agit pas et n'autorise pas la communauté internationale à faire ce qu'elle veut faire", a fustigé M. Brown.
Il a appelé la junte à cesser de filtrer l'aide étrangère au moment où la majorité des deux millions de rescapés manquent de tout, selon l'ONU.
"Il en va de la responsabilité du régime birman et il doit rendre des comptes", a souligné le Britannique.
Jeudi déjà, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner avait jugé que l'intransigeance de la junte confinait à un "crime contre l'Humanité".
"J'ai dit que ce qui se passait est inacceptable, que l'aide n'arrivait pas et qu'aujourd'hui les gens mouraient, plus uniquement du fait du cyclone mais aussi du fait du refus par les autorités du Myanmar (Birmanie) d'autoriser l'aide internationale", avait déclaré vendredi l'ambassadeur de France à l'ONU, Jean-Maurice Ripert.
"Des dizaines de milliers de vies ont été perdues, des centaines de milliers pourraient l'être", a-t-il prévenu.
Dans le même temps, le Mistral, bâtiment de la marine nationale française, est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi au large de la Birmanie, mais sans qu'un accord ait été trouvé sur la livraison de son fret humanitaire, selon l'état-major des armées françaises.
A propos de ce bateau, l'ambassadeur de la France à l'ONU a révélé avoir vivement réagi lorsque le représentant de la Birmanie à l'ONU avait reproché à Paris d'envoyer "un navire de guerre".
Aux Etats-Unis, 43 membres de la Chambre des Représentants ont demandé au président George W. Bush d'envisager une "intervention humanitaire" en Birmanie.
Reste qu'une partie de l'aide américaine a pu être livrée directement, et pour la première fois vendredi aux ONG étrangères sur le terrain, a indiqué le département d'Etat.
"Nous voyons réellement une nouvelle tendance, en tout cas aujourd'hui", s'est félicité son porte-parole, Sean McCormack
Confrontée à un bilan effroyable --134.000 morts et disparus dans un pays de 57 millions d'habitants-- la Birmanie n'en demeure pas moins méfiante à l'égard des étrangers, surtout des Occidentaux.
Jalouse de sa souveraineté nationale, la junte ne veut pas laisser des étrangers diriger des secours internationaux d'envergure.
Indépendante depuis 1948 et dirigée par l'armée depuis 1962, la Birmanie est soumise à des sanctions américaines et européennes depuis plus de dix ans.
Alors que les relations avec l'Occident sont mauvaises, les autorités birmanes semblent préférer une aide humanitaire venue d'Asie.
Tout au long du week-end, la Birmanie doit laisser entrer 160 médecins et infirmiers asiatiques: Thaïlandais, Chinois, Indiens et Bangladais.
Signe tout de même d'une ouverture timide, la junte a emmené en hélicoptère, pour la première fois, des diplomates et des représentants de l'ONU vers des zones du delta de l'Irrawaddy dévastées le 3 mai par Nargis.
Cette région du sud-ouest birman est de facto fermée aux journalistes.
Du côté de l'ONU, le responsable des Affaires humanitaires John Holmes devrait être en Birmanie dimanche.
Les Nations unies attendent une réunion ministérielle, lundi à Singapour, des pays de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN), dont la Birmanie est membre, pour décider du lieu et des participants à une autre "conférence d'appel de fonds" qui pourrait se tenir à Bangkok le 24 mai. (AFP via courrierinternational)
- La crise alimentaire guette la Birmanie
Après le passage du Cyclone - Les destructions et l'incompétence de la junte militaire birmane en matière économique risquent de plonger durablement le pays dans la pénurie.
Accroupie sur le plancher en bois au premier étage de sa maison, une Birmane de Rangoon examine deux coupelles de riz. Les grains de la première sont gros et entiers. Ceux de la seconde sont minuscules et, très souvent, brisés en petits morceaux. «C'est de la mauvaise qualité», regrette-t-elle en examinant ce second échantillon entre ses doigts. «D'habitude, c'est ce que nous donnons à manger aux cochons. En ce moment, c'est ce que les militaires distribuent aux rescapés du typhon dans ma rue», explique-t-elle.
Embargo et mauvaise gestion
Dans cette famille plutôt aisée de Rangoon, cette femme peut se permettre d'acheter du riz de qualité correcte sur les marchés de la plus grande ville de Birmanie, même s'il coûte très cher. Les prix ont quasiment doublé, même s'ils se sont un peu tassés la semaine dernière. «Chez nous, la valeur des produits de première nécessité augmente tout le temps. Il ne faut jamais s'attendre à ce que ça baisse, même après une telle hausse», explique la ménagère.
Cette inflation continuelle s'explique par les sanctions occidentales imposées à la Birmanie et par la mauvaise gestion de l'économie de la junte militaire, au pouvoir depuis plus de quarante-deux ans dans ce pays. Très sérieusement, elle annonce chaque année des taux de croissance vertigineux, à deux chiffres.
En réalité, l'économie patine. Et cela est visible au premier coup d'oeil. L'électricité manque. Il n'y en avait pas suffisamment pour tout le pays avant le passage du typhon. Alors que dire aujourd'hui. Ceux qui habitent aux étages élevés dans les immeubles de Rangoon ont installé une petite clochette sur leur balcon qu'ils relient à une longue ficelle qu'ils font pendre jusqu'au trottoir. C'est la sonnette birmane qui fonctionne 24 heures sur 24, même sans courant.
Le taux de change officiel entre la devise locale, le kyat, et le dollar n'a rien à voir avec le cours réel de la monnaie, celui qui est pratiqué dans la rue. En fait, les généraux superstitieux dirigent plus l'économie en se fiant à leurs astrologues qu'en écoutant la voix du peuple.
Les exportations continuent!
En période de crise comme actuellement, cette façon de gérer l'économie est dangereuse. «Normalement, la Birmanie est autosuffisante en riz», explique un journaliste économique de Rangoon. «A cause de la crise alimentaire mondiale, les grands exportateurs, comme la Thaïlande et le Vietnam, ont suspendu leurs exportations. Ils savent que les prix vont augmenter au milieu de mousson [vers juillet]. Mais la Birmanie, elle, n'a pas suivi le même exemple. Le volume actuel d'exportation est le plus élevé des cinq ou six dernières années. D'habitude, le pays exporte 160 à 180 000 tonnes de riz par an. Mais cette année, on est déjà à 600 000 tonnes.»
A quand l'envolée du riz?
Le riz, céréale qui constitue la base de l'alimentation en Birmanie (211 kg par an et par habitant), risque donc de manquer partout dans le pays d'ici quelques mois. Cette politique d'exportation, dangereuse dans un pays où la production ne cesse de décroître depuis la seconde guerre mondiale, fait diminuer les stocks.
Combien de temps peut encore tenir le pays avant que les prix du riz ne s'envolent à nouveau? «Ce genre d'informations est très confidentiel», explique, gênée, une fonctionnaire de la chambre d'industrie de Rangoon. Dans un de ses travaux universitaires, elle estime que le système agricole birman est de moins en moins efficace. «Les paysans ont du mal à obtenir des aides financières, des machines modernes et des techniques de culture productives», écrit-elle.
S'ajoute à ces difficultés le passage du typhon qui a endommagé les plants et les réserves de nombreuses régions, particulièrement dans les divisions de Rangoon, de Bago et de l'Irrawaddy, qui formaient jusqu'à présent le grenier à riz de la Birmanie. On y récoltait 70% de la production du pays.
«Le business est mort»
A Rangoon, l'homme de la rue a tout à fait conscience de ce scénario catastrophe. Ces jours, le marché Bogyoke Aung San, qui commercialise des vêtements, des livres et des souvenirs, était pratiquement vide. Les Birmans se détournent de ces produits qui ne sont de première nécessité. Ils dépensent leurs maigres pécules pour acheter à manger ou font quelques économies en vue d'un probable choc des prix dans les mois à venir.
«Le business est mort», tranche un commerçant du marché Bogyoke Aung San. «D'habitude, nous fermons vers 17h. En ce moment, je boucle vers 15h. Mais aujourd'hui, on nous annonce une tempête en milieu d'après-midi. Alors, je vais fermer mon magasin dès 13h», explique-t-il.
Sur les autres marchés de la plus grande ville de Birmanie, les rumeurs de détournement de l'aide humanitaire apportée par des organisations internationales circulent.
«J'achèterais bien un biscuit énergétique pour goûter», plaisante un Indien de la ville. Les biscuits énergétiques sont en fait acheminés vers les zones les plus touchés par le typhon Nargis pour venir en aide aux sinistrés.
Plusieurs habitants de Rangoon affirment en avoir vu sur les étals des marchés de Rangoon. «Nos dirigeants accaparent une partie de l'assistance pour leur propre bénéfice. La communauté internationale a donné cette aide pour les réfugiés, pas pour les militaires», accuse un habitant de Rangoon sous couvert d'anonymat. (le courrier)
2 commentaires:
Je reviens sur ce sujet, en mentionnant ton article, dans :
Un pavé d’ingérence
Pour les écrits se croisent ...
Comme ton dernier billet n'était pas sorti au moment ou j'ai publié celui ci, j'ai fait une petite mise à jour.
Mais qu'est ce qu'on attend pour y aller! qu'il n'y ait plus aucun survivant!
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