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jeudi 29 mai 2008

Birmanie, lorsque l'on sait (suite)




Ce message est la suite de
Birmanie lorsque l'on sait (message du 7 mai)

Pour mieux comprendre la réaction de la junte face à une catastrophe qui au départ est "naturelle", un petit retour en arrière est nécessaire: Enfin "naturelle" oui mais l'ampleur des désastres l'est moins:

Lorsque l'on sait que les forêts de mangroves ont été largement détruites sur les côtes de Birmanie, exposant davantage les communautés côtières aux dommages causés par les cyclones. Ainsi, si les mangroves, n’avaient pas été partiellement détruites par l’homme, elles auraient pu réduire l’impact du cyclone Nargis


Lorsque l'on sait qu'en 1989, la junte, afin de marquer le changement, a décidé de modifier le nom du pays en Union du Myanmar qui fait référence aux anciens habitants mythiques du pays et non plus seulement à un groupe ethnique (littéralement, Myanmar signifie en birman « fort et rapide », qualités de ces fameux ancêtres mythiques). Avec cette dénomination et l'usage du mot « Union », le caractère multi-ethnique de l'État est souligné.
Le changement du nom du pays en birman permet d'afficher une rupture avec l'ancienne période et perturbe l'action des organisations favorables à la démocratie en brouillant la communication. C'est pourquoi les opposants au régime militaire se réfèrent encore à l'ancienne appellation, pour marquer leur lutte avec la junte.

En 1990, ils organisèrent des élections libres, remportées à plus de 80 % par la Ligue nationale pour la démocratie du prix Nobel Aung San Suu Kyi. Mais, la nouvelle junte ne donna jamais le pouvoir à l'opposition. Depuis, le pays est dirigé avec fermeté par un groupe de généraux, officiellement unis, mais en perpétuelle lutte interne pour le pouvoir.


Lorsque l'on sait que le général Than Shwe, numéro un de la junte birmane, est l'incarnation sinistre d'un régime qui traite les habitants en serfs, leur déniant tout droit d'expression et de participation.
Raide dans son uniforme kaki couvert de médailles, la bouche sévère, les yeux sans expression..Ce vétéran des luttes armées maintient une poigne de fer sur ce pays de 50 millions d'habitants, peuplé à 30% de minorités non birmanes.
Il cumule depuis 1992 les postes de président de la junte, chef du gouvernement, ministre de la Défense et chef d'état-major.
Refusant tout compromis avec le parti démocratique du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, il interdit toute information libre et pluraliste.

Lorsque l'on sait que la Birmanie est le pays du monde où le plus grand nombre de journalistes sont emprisonnés. Tortures, lourdes peines de prison, assassinats, menaces, censures sont les méthodes de la Junte. Aucune critique à l'égard de l'armée n'est tolérée.

Lorsque l'on sait que La junte militaire au pouvoir exerce une répression quasi-permanente contre l'opposition et les minorités ethniques et contre toutes les personnes qui s'élèvent contre le pouvoir en place. Ceux qui connaissent de près les généraux birmans les décrivent comme sans pitié et corrompus

Lorsque l'on sait que La Birmanie est riche en ressources naturelles, mais la population est misérable. Elle a été touchée de plein fouet et son désespoir a atteint son paroxysme lorsque le gouvernement, au mois d'août 2007, a augmenté brutalement et arbitrairement le prix de l’essence, multiplié par cinq du jour au lendemain.

Lorsque l'on sait que pourtant, l’argent arrive en masse dans les caisses des généraux birmans. Les citoyens birmans sont pourtant victimes de la pauvreté la plus extrême de ces dernières décennies. Pas la moindre petite fraction de l’argent provenant de sources étrangères ne semble aboutir ailleurs que dans les mains des membres de la junte et de leur entourage immédiat.


Lorsque l'on sait qu'au mois de septembre 2007,
les forces de sécurité de Birmanie ont effectué des rafles contre les monastères, faisant usage de gaz lacrymogènes, de matraques et de tirs de sommation afin de disperser des manifestants. Elles ont tiré sur des manifestants en fuite et des journalistes. Les soldats ont reçu l'ordre de tirer sur les manifestants et les moines. Plus de 200 corps où personnes sérieusement blessées ont été incinérées dans le crématorium de Ye Wei, à l'extérieur de Rangoun.

La junte birmane détenait déjà au moins 1.200 prisonniers politiques avant la répression du mouvement de contestation de septembre.

Lorsque l'on sait que durant cette période, des monastères ont été pillés. On a demandé aux moines de s'aligner. Ils ont été frappés, certains se sont écroulés sous la douleur puis ils ont continués en arrachant leurs affaires avant de les jeter dans les camions comme des sacs de riz !
Le moine principal a été attaché au milieu du monastère, torturé, matraqué, et laissé pour mort. Des diplomates étrangers ont confirmé que des centaines de moines bouddhistes et de militants luttant pour la démocratie avaient été interpelés et conduits dans des lieux gardés secrets.
Des manifestants blessés ont été enterrés vivants dans des charniers et des informations fiables ont fait état de cadavres dans les eaux à proximité de Rangoun.

Lorsque l'on sait que Beaucoup de bonzes et de nonnes ont été victimes de cette violence et les milliers de personnes qui ont été arrêtées continuent à la subir. Plus de mille personnes ont disparu, beaucoup d’entre elles sont probablement décédées.

Lorsque l'on sait que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a fini par "condamner" cette "violente répression" menée par le Myanmar contre les manifestants. Cette condamnation n'a servi à rien et surtout pas à empêcher la junte de continuer tranquillement la répression.

Lorsque l'on sait que Le vent de révolte, mené par les moines, est finalement passé sans causer trop de dégâts pour les généraux au pouvoir, qui continuent leur répression.
La junte militaire au pouvoir en Birmanie maintient en détention au moins 1.864 "prisonniers politiques".



Lorsque l'on sait que le monastère est vraiment le seul endroit où on peut trouver "refuge" : cantine pour tous les affamés, école pour tous ceux qui ne peuvent payer les indispensables dons à une école d'Etat prétendument gratuite. Chaque Birman y a séjourné pendant plusieurs mois, au moins deux fois dans sa vie Chaque Birman a en lui une part de moine...


Lorsque l'on sait que sur les 300 000 enfants soldats estimés dans le monde, 70 000 au moins sont en Birmanie, enrôlés de force par la junte militaire et par son armée: la Tatmadaw.
La junte militaire birmane recrute chez les plus jeunes pour servir dans les rangs de l'armée, achetant et retirant de force à leurs familles des garçons dès l'âge de 10 ans.
Certains enfants sont battus jusqu'à ce qu'ils acceptent.
Bien que le Conseil de sécurité de l'ONU ait menacé de sanctions les régimes qui exploiteraient des enfants-soldats, l'organisation mondiale n'a toujours pas pris de sanction

Lorsque l'on sait que même lorsque les rues de Birmanie paraissent calmes... derrière cette apparente "normalité", des Birmans sont chaque jour maltraités et torturés.


Lorsque l'on sait que plus de 140 000 réfugiés (karen pour plus de la moitié) vivent dans des camps en Thaïlande, le long de la frontière birmane. Les réfugiés birmans sont environ 30 000 dans les camps de Malaisie et 27 000 dans ceux du Bangladesh. Des dizaines de milliers de Birmans travaillent illégalement dans les zones frontalières indienne et chinoise.

Lorsque l'on sait qu'aux yeux de la junte, l’autarcie est le meilleur bouclier pour se protéger des influences extérieures traditionnellement considérées comme néfastes d’où qu’elles viennent. D’où aussi une surveillance constante et toujours plus sophistiquée, même à l’heure d’Internet : à peine 25 000 adresses électroniques personnelles pour plus de 50 millions d’habitants. La possession d’un fax ou d’un modem sans autorisation officielle préalable est passible d’années de prison : autant pour la liberté d’expression. Quant à la liberté de circulation, elle est chichement accordée, sauf passe-droits et privilèges officiels.

Lorsque l'on sait que torture et mauvais traitements ont lieu dans les centres d’interrogatoire et dans toutes les prisons en Birmanie. Cette torture et ces mauvais traitements se passent en totale impunité. Les prisonniers meurent de faim, de mauvais traitement, d'absence de dignité.

Des tribunaux spéciaux expédient les jugements et on risque deux ans de détention pour simplement avoir "crié" dans la rue




Lorsque l'on sait que suite au cyclone Nargis, des milliers de survivants et sinistrés qui cherchaient refuge et aide ont été expulsé des villes par les officiels locaux du gouvernement aux motifs que "Les gens doivent apprendre à se nourrir eux-mêmes. Il ne faudrait pas que les étrangers pensent que nous sommes un pays de mendiants" et qu'il ne faudrait quand même pas les rendre "paresseux et dépendants de l’aide"
Pourtant le nombre des victimes ne cesse d'augmenter

Lorsque l'on sait que ne faisant aucun cas des souffrances des hommes et des femmes touchés par le cyclone Nargis, la junte a refusé pendant plus de 15 jours de laisser passer l'aide humanitaire à destination des populations qui en avaient le plus besoin.
La junte s'amuse à ouvrir tout doucement ses portes, afin de calmer la communauté internationale et ça marche..

Lorsque l'on sait que l'accès aux régions les plus touchées est encore un problème majeur. La plupart des petits villages près de la mer n'ont toujours pas reçu d'assistance. "Les gens sont entrain de mourir"
La majorité des survivants ont pas encore vu d'aide d'aucune sorte.
Malgré l'accord avec l'ONU, Il existe toujours de nombreux obstacles sur le terrain.

Lorsque l'on sait que si la junte a changé d'attitude en acceptant davantage l'aide humanitaire étrangère c'est uniquement sous la pression de la Communauté internationale etsurtout parce qu'elle a bien trop peur que la "crise humanitaire" se transforme en "crise politique" et qu'on se mêle de sa manière de gouverner. Et bien ça a marché :

Lorsque Monsieur Ban Ki-moon était en Birmanie il n'a même pas osé mentionner le nom de Aung San Suu Kyi.
"L’argument selon lequel la politique ne doit pas être abordée en ce moment du fait de la priorité donnée à la crise humanitaire, n’est simplement pas soutenable ...La crise humanitaire est causée par un problème politique, celui d’une dictature refusant l’acheminement et la distribution de l’aide humanitaire à sa population. Aung San Suu Kyi est une personne clé pour résoudre ce problème politique global ».

La junte peut donc "se féliciter d'avoir vu reléguer au second plan les critiques internationales sur son mode de gouvernement, les violations des droits de l'homme et l'absence de tout progrès démocratique... Le sort de Mme Aung San Suu Kyi, leader de l'opposition birmane et seule Prix Nobel de la paix privé de liberté dans le monde, n'a même pas été évoqué publiquement à Rangoun..."

Lorsque l'on sait que si la junte a fait des promesses à l'ONU c'est pour mieux renforcer son contrôle sur le pays, elle joue un double jeu c'est même sa spécialité
E
n temps de crise, les généraux savent à merveille apaiser les tensions et faire croire que le régime est prêt à négocier.
Les généraux birmans n'ont jamais toléré la moindre contestation. Et la communauté internationale a beau se dire inquiète de la situation en Birmanie, les condamnations du régime n'ont jamais vraiment eu d'effet sur l'exécutif birman


Lorsque l'on apprend ce jour via l'AFP que la junte militaire au pouvoir en Birmanie ose accuser le parti de l'opposante Aung San Suu Kyi de pousser les survivants du cyclone à l'émeute on reste abasourdi :

Dans un virulent éditorial, le quotidien officie
l New Light of Myanmar a accusé la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Mme Suu Kyi de profiter de la situation pour encourager les survivants à la violence.
"La LND essaye d'exploiter la situation politiquement au lieu de coopérer avec la population", a affirmé le journal de la junte.
"La LND essaye d'attiser le mécontentement des victimes et les problèmes, pour que la colère du public dégénère en émeutes", a ajouté le New Light of Myanmar en fustigeant "l'égoïsme et le manque de scrupules" du parti d'opposition.

C'est vraiment l'hôpital qui se fou de la charité!

Lorsque l'on sait que Cette nouvelle attaque contre les partisans de Mme Suu Kyi est intervenue deux jours après la prolongation pour un an de l'ordre d'assignation à résidence qui frappe depuis 2003 la figure de l'opposition birmane, déclenchant une vague de réactions indignées partout dans le monde, on comprend pourquoi la junte réagi ainsi..

Lorsque l'on sait tout cela
on comprend mieux pourquoi la plus part des Birmans ont perdu l'espoir d'un monde meilleur et pourquoi Leurs rêves ont été détruit par la sombre réalité de l'oppression et de la cruauté dont la junte militaire faite preuve.

Pour conclure , je reprendrai ces paroles de Desmond Tutu : 

Je reste fermement convaincu que personne, ni aucun gouvernement, ne devrait attendre pour agir; le voyage commence au premier pas. Les milieux d’affaires et les gouvernements ont le choix entre traiter ou ne pas traiter avec le régime répressif de la Birmanie. Faire des affaires avec le régime, cela revient à placer des armes à la disposition de ceux qui ont massacré des milliers de personnes en 1988, qui sont responsables du déplacement interne de plus d’un million de personnes, laissant celles-ci sans abri et sans sécurité dans leur propre pays, ceux qui violent systématiquement les femmes. Il est du devoir de toute personne et de tout gouvernement de s’élever contre la tyrannie et contre ceux qui la protègent et la financent ” 



Kathy



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